L’intervention artistique JEAN est une constellation de capsules poétiques.
Elle découle de la rencontre entre le monde bien sérieux de la mesure du territoire et celui de la poésie. Lorsque ces deux univers – à priori contradictoires – se rencontrent, les traditionnelles chevilles de mesure métalliques deviennent support textuel. Ces chevilles que l’on croise souvent au détour d’une route ou d’un trottoir et dont l’usage se veut purement technique, deviendront ici un bijou : ornement de sol et bribes poétiques.
Petite, je pensais que ces bijoux étaient là pour rendre le sol joli.
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2018
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Suivant cette intuition, je propose de détourner ces chevilles de leur train-train quotidien afin qu’elles deviennent porteuses de mots issus du célèbre poème de Jean Villars Gilles : La Venoge. C’est alors que les habituels «Grenz Punkt» ou «Point limite» gravés dans le laiton deviendront par exemple «Bien joli canton» ou «Petit air narquois». Aussi, l’usage du texte comme vecteur artistique fait écho au travail administratif quotidien des collaborateurs du Service du développement territorial (SDT).
La Venoge est un poème ancré dans le territoire vaudois tout aussi fortement que les chevilles, d’où ce mariage surprenant. Une série de 100 chevilles – toutes uniques – surprendront les collaborateurs, ou autres visiteurs, au détour d’un bureau ou au coin d’une étagère. Elles seront disposée suivant le tracé précis que parcourent la Venoge et le Veyron ; les deux cours d’eau com- posant le bassin versant de la Venoge. Ces tracés ont été dessinés en superposant la carte topographique aux plans des étages 4 et 5 du nouveau bâtiment du SDT. Apparait alors un cheminement poétique. La partie nord de l’étage 5 devient l’endroit où les deux cours d’eau prennent leur source tandis que la partie sud de l’étage 4 devient l’endroit ou la Venoge rencontre le Léman. Si l’on parcourt ce cheminement dessiné au sol par cette ensemble de chevilles, on peut lire et suivre le poème de Jean Villars Gilles écrit en 1954.
Fidèle au matériau traditionnel de ces chevilles de mesure, le choix du laiton est important. Ses propriétés «oxydantes» donneront aux chevilles un aspect brillant et doré, pour celles qui seront lustrées par le passage des gens ; tandis que celles, dans les coins moins accessibles, prendront une teinte plus foncée.
L’intervention artistique de par sa forme offre au lieu une nouvelle âme mais aussi une signalétique surprenante. On peut ainsi imaginer que l’imprimante se trouvant proche d’une cheville en prenne son nom et devienne l’imprimante « Soleil vaudois » ou le poste de travail « Mouton chamois ». L’œuvre évolue alors du bijou de sol surprenant vers un outil signalétique offert à l’imaginaire des collaborateurs en restant avant tout un hommage à ces mots magnifiques, bien ancrés en terre vaudoise.
Camille Scherrer